Je me souviens de mon père comme d'un homme souvent à son bureau, en train d'écrire, lire, enseigner et surtout pointer des mots.
Il avait constaté que pour remédier effacement à l'orthographe d'usage, il fallait fixer les données en mémoire en travaillant par chaînes associatives où l'on rassemblait des mots de même graphie.
Pour que cela fonctionne bien avec le plus grand nombre, il fallait, selon lui lier le mot en difficulté avec d'autres correctement orthographiés et déjà fixés en mémoire. Pour cela, il se tourna vers les mots les plus fréquents donc, pensait-il, en moyenne, les mieux fixés.
Hélas, rapidement, il finit par s'apercevoir qu'à l'échelle individuelle, un mot fréquent peut être mal orthographié alors qu'un autre plus rare non.
Exit alors les fréquences ?
Non, car il fit le constat que pour structurer la mémorisation et lui donner de l'efficience, le mieux était que l'apprentissage et les remédiations balayent systématiquement les mots les plus fréquents du vocabulaire avant les mots plus rares; ce qui devait assurer une écriture, en moyenne, statistiquement satisfaisante à correcte.
C'est ce qui de fil en aiguille va l'amener à publier : Vocabulaire de base de la langue écrite (Ed. Wesmael - Charlier, 1979) puis sa réédition : Vocabulaire de base du français écrit (Ed. De Boeck - Wesmael, 1987).
Soulignons le travail de bénédictin que cela a constitué car à l'époque, il n'y avait pas encore l'informatique pour soutenir ce type de recherche. Tout se comptait à la main !
La technique de dépistage et de test de niveau consiste toujours à dicter les mots mais en contexte ! Jamais des mots isolés car il y aurait perte de sens. Il s'efforçait aussi à ce que le contenu soit du niveau d'intérêt du bénéficiaire.
On ne fait pas lire un livre de maternelle à des adolescents. Le niveau du texte doit également correspondre à la maturité de celui qui écrit. Il pourrait se sentir humilié d'être traité comme un enfant !
Par un premier test, il déterminait le niveau orthographique de l'apprenant.
Puis sur base de ce niveau, il opérait un balayage systématique de tous les mots de vocabulaire qui correspondaient au niveau de l'apprenant.
A la moindre erreur ou hésitation, le mot était considéré comme devant être remédié puis fixé.
La liste des mots à traiter étant établie commençait alors le processus de remédiation.
Il prenait chaque mot atteint et en fonction de la cacographie, il procédait à la construction des circuits remédiatifs.
Prenons un exemple : l'apprenant hésite toujours sur la graphie correcte du mot "défense". Est-ce "ense" ou .. ?
Le circuit remédiatif deviendra : "Je pense, défense, intense, immense récompense". Il forme ainsi une chaîne avec des mots de même graphie qui se soutiennent mutuellement dans la mémorisation.
Comment fixait-il la chaîne ?
Par répétition.
Etant moi-même, atteint du mal qu'il combattait, je me souviens de vacances d'été où s'égrainaient de longues dictées de mots, de révisions et de procédures de contrôles.
La répétition qui ne marchait pas et amenait des frustrations complémentaires était remplacée par une autre devenue plus efficiente. Mais pourtant, elle pouvait toujours sembler de l'ordre de la corvée. Le pédagogue qui menait les opération pouvait toujours sembler à certains moments particulièrement rébarbatif.
C'est grâce à l'apport de l'informatique que le contexte relationnel parfois tendu allait s'assouplir et modifier le ressenti.
Mon père allait remarquer que ses élèves, acceptaient plus facilement certaines frustrations si elles venaient d'une machine. J'aimerais bien pour ma part essayer de vérifier ce constat car j'avoue éprouver des doutes, pour avoir pu observer en divers contextes, les réactions de l'homo sapiens lambda avec un support informatique qui le frustre.
Je pense de mon côté qu'il faudrait réussir à fixer la chaîne autrement que par le jeu d'une contrainte répétitive et donc frustrante. Il faudrait que le processus s'accomplisse lorsque l'apprenant en éprouve le besoin au moment de rédiger. Cela deviendrait alors une gratification plutôt qu'une frustration.
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